PHASE III – ENLÈVEMENT DE LOUIS XVII DANS LA SOIRÉE DU 12 JUIN 1795
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Le convoi funéraire du prétendu Louis XVII avait pour chef un dénommé Voisin dont les dépositions restent aux Archives Nationales ; cette précision a son importance.
On lit dans « Le Moniteur Universel » T. 24, p. 670 ; sextidi, 26 Prairial An III (14 juin 1795) ce qui suit:
« Avant hier (12 juin 1795), à huit heures et demie du soir, deux Commissaires civils et le Commissaire de Police de la Section du Temple se transportèrent à la Tour du Temple pour enlever le corps du fils Capet. Des mesures de sûreté générale ont fait escorter ce convoi, de loin en loin, par des détachements d'infanterie.»
M. Jean de Chantelauze (1787-1859), homme politique français, constate le même fait en ajoutant ceci:
« Les officiers de la garde laissèrent sortir librement le convoi.»
Jacques Peuchet (1758-1830.), Avocat à Paris avant la Révolution, un des rédacteurs de la « Gazette de France » puis Archiviste de la Préfecture de Police sous la Restauration, précise aussi en ces termes le caractère de ce convoi:
« Les Commissaires Petit et Simon se jugèrent suffisamment informés pour asseoir leur opinion. Le 15 mars 1816, ils remirent au Préfet de Police un rapport. Ils stigmatisaient en même temps la déclaration de Dusser qui avait parlé d'un grand concours de monde à la porte du Temple, lorsqu'il était, au contraire, de notoriété publique que l'enterrement, qui n'était nullement une cérémonie, avait eu lieu presque dans la solitude, en quelque sorte clandestinement.»
Précisons que ces deux Commissaires s’appelaient Petit et Simon.
Ce convoi clandestin avait été combiné pour enlever du Temple l'enfant-Roi ; il s’agençait, en fait, sur une grande bière – ou cercueil assez large -et non d’une simple car à cette époque il n'y avait pas encore de voitures spéciales pour les convois et, sous prétexte de la possibilités d'un grand concours de monde (qu'on eût soin d'empêcher), on avait commandé par mesure de sûreté générale, outre un brancard et quatre porteurs, une de ces voitures dites tapissières – assez large - qui servaient ordinairement pour les pauvres (enterrement à plusieurs). Voisin, chef du convoi, précisa plus tard dans sa déposition du 14 mars 1816, que le cercueil était en bois blanc.
On y mit d’abord le corps de l’enfant scrofuleux dénommé Gonnhaut-Léninger. Voisin, conducteur du convoi dit que vers 8 heures du soir (du 12 juin 1795) « régnait déjà une obscurité dans les sombres bâtiments de la forteresse », et qu’il prit l’enfant mort dans ses bras, descendit le grand degré au bas duquel était déposée une bière et y plaça le corps.
« La bière demeura, toujours selon le témoignage de Voisin, ouverte pendant une heure au pied de ce escalier qui conduisait aux combles de la tour » où se trouvait caché depuis le 1er novembre 1794 Louis XVII.
On y plaça ensuite Louis XVII endormi. Ce fut à ce moment là, donc, du 12 juin 1795, entre 20 heures et 21 heures, qu’eut lieu la mise en bière de deux corps, un corps mort (Gonnhaut) et un corps vivant, celui de Louis XVII, endormi par un opiacé, l’obscurité aidant ces transferts.
A 9 heures du soir, déclara Voisin, il fit fermer la bière « encore, précisa—il, qu’il ne le fit point clouer… ».
Cette grande bière se dirigea devant la porte fermée du cimetière de Sainte Marguerite entra dans l’Eglise, transformée en école « pour les élèves du Salpêtre. (Déposition de Bureau, gardien de l’Eglise, transformée en Ecole de Salpêtre, mars 1816).
À ce moment-là eut lieu l’enlèvement de l’enfant-Roi vivant et endormi, devant les quatre porteurs, témoins donc de tout ce procédé.
«Alors, ils (les quatre porteurs) firent une mort aussi funeste que les trois médecins qui avaient soigné l’enfant du Temple » (Gonnhaut)
Voisin
Archives Nationales- cote B.B. 30-964- 2ème Liasse - Déclaration Voisin : 23 janvier et 10 mars 1816
Voisin faisait allusion aux Docteurs Desault, Choppard et Doublet qui avaient été empoisonnés car ils s’étaient aperçu de la substitution et avaient eu l’imprudence de le dire, comme nous l’avons précisé….
Une voiture, envoyée par Joséphine de Beauharnais –complice de Barras dans cette évasion - attendait pour emmener Louis XVII au 6 rue de Seine à Paris dans une maison qui lui appartenait. La nuit, bien tombée à cette heure, contribuait à la réussite de ces opérations.
Une fois Louis XVII sorti, les quatre porteurs emmenèrent la bière et allèrent enterrer l'enfant mort (Gonnhaut) dans le cimetière attenant, celui de l’église Sainte Marguerite. Ils le placèrent au milieu d’autres cadavres (une sorte de fosse commune).
Sous lé Révolution ce cimetière se trouvait entre Paris et le village de Charonne. Aujourd’hui il se situe au niveau du 36 rue Saint Bernard (Paris 11°)
Bertrancourt, le gardien du Cimetière, crut sincèrement que le corps dans le cercueil mis dans la fosse, mêlé à d’autres ossements, était celui du jeune Roi. Il creusa alors et rouvrit la bière quelques temps après; il en ôta le corps, le mis dans un autre cercueil et l’enterra plus loin près du mur.
Napoléon précise dans ses « Mémoires » (parues en 1834 par Lamothe-Langon) que voulant en avoir le cœur net Joséphine n’arrêtait pas de lui dire que Louis XVII avait été sauvé et que l’enfant décédé le 8 juin 1795 était « un substitué ». Il alla avec Fouché et Savary pour voir le corps de l’enfant enterré ce soir de juin 1795. Lamothe-Langon confondit Sainte Marguerite avec Sainte Elisabeth, lieu qui n’a rien à voir avec l’ensemble de cette affaire; une erreur dans le nom des saintes. Ce fut bien à Sainte Marguerite que « l’enfant du Temple » fut enterré. Mais quelle fut la surprise quand Napoléon trouva le cercueil vide… (Bétrancourt avait agi !..)
Le corps déplacé par Bertrancourt – celui de « l’enfant du Temple » qu’il avait pris pour celui de Louis XVII - fut exhumé en 1846. On retrouva les vestiges de l’autopsie faite par les Docteurs Pelletan, Lassus et Demangin le 9 juin 1795 au matin. On constata que la taille et l’âge et la taille du corps exhumé était celui d’un adolescent de 16 ans (alors que Louis XVII avait 10 ans et mesurait d’après près de 103 cm, sa mère, la Reine, l’avait mesurée le 27 mars 1793 et avait fait une entaille de la hauteur trouvée sur le montant d’une porte).
- Témoignage de Mme Delmas- Rencontre avec Barras 29 ans après l’évasion du jeune Roi
Madame Delmas, nourrice du Duc de Berry (1778-1820) fils du Comte d’Artois (futur Charles X), laissa un témoignage signé sous serment de l’enlèvement de Louis XVII du Temple :
« J’atteste sur la foi du serment que le jeune Prince a été enlevé dans une bière. Il était encore au Temple lorsque le jeune enfant de l’hôpital mourut et cette mort est la cause de l’évasion du Prince. Madame de Beauharnais sous le Directoire…. m’a fait comparaître devant Barras après l’avoir instruit de l’amour que je portais au fils du Roi-Martyr… »
« Je l’ai rencontré (Barras) en 1824 sur le Quai aux Fleurs ; il m’a reconnue et moi, je n’ai pu le reconnaître que par un signe qu’il avait sous l’œil gauche, tant il était changé… Il me dit :’ De quelle injustice on s’est rendu coupable envers le Prince-Martyr !…’ ».
- Témoignage de Prieur de la Côte d’Or
« Barras, Tallien et Fréron, d’accord avec Joséphine, maîtresse de Barras, ont sauvé le Dauphin et pour être sûr du silence on a fait empoisonner le fameux chirurgien Desault et dernièrement le médecin Jeanroy »
Prieur de la Côte d’Or ( Conventionnel) - (Archives Nationales F.7-6633-1370-Note de police)
- Deux cent trois ans plus tard …la Mairie de Paris – sous la gouverne de Jean Tibéri - reconnaît officiellement que Louis XVII n’est pas enterré au Cimetière de Sainte Marguerite.
Deux cent trois ans plus tard, pour parfaire les analyse ADN (Louis XVII / Naundoff), le Doyen Philippe A. Boiry demandait, par lettre datée du 11 février 1998, à Monsieur Jean Tibéri, Maire de Paris, l’autorisation de la réouverture de la tombe supposée de Louis XVII sise au Cimetière de l’Eglise Sainte Marguerite (Paris 11°arrt).
Les autorités municipales refusèrent. Pourquoi ?
Parce que tout simplement l’enfant qui y fut enterré n’était point Louis XVII !...
Et c’est la Mairie de Paris qui l’affirme officiellement !...
Voici la lettre de refus du 1er mars 1998:
« Monsieur le Doyen,
Vous avez bien voulu faire part à Mme M. L. Denis, Directeur Adjoint du Cabinet du Maire, de votre souhait de voir exhumer « l’enfant du Temple » et je vous en remercie.
« … Comme vous le savez, les études menées sur ce dossier font unanimement ressortir que le squelette sur lequel vous envisagez de faire des prélèvements d’os est celui d’un enfant plus âgé que le Dauphin ».
« Je vous prie d’agréer, etc, etc.. »
Signé Mme Guillemette Leneveu, Conseiller Technique auprès du Maire de Paris.
La suite est étudiée dans la Rubrique « Autopsie et Acte de décès ».