APRÈS L’ÉVASION
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- La rumeur
- Logement au 6 rue de seine à Paris
- La Convention sait en juin 1795 que Louis XVII est vivant et hors du temple
- Le Comte de Provence sait que Louis XVII a été évadé du temple
- La Cour de Vienne sait que Louis XVII est évadé du Temple
- La Vendée attendait Louis XVII
- La Vendée et la Bretagne insurgées proclament Louis XVII vivant ! – fin juin 1795
Cf. Archives Nationales: les Moniteurs de l’époque.
« Le Moniteur universel» (ou plutôt « Gazette Nationale ou Moniteur universel ») fut longtemps l’organe officiel du Gouvernement français dès 1789. Y étaient rendus compte, entre autres, de tous les Actes de la Convention et des délibérations de celle-ci. Ce journal fait partie des Archives Nationales.
En fait, 12 jours après l’évasion de Louis XVII, le Moniteur du 6 messidor an III (24 juin 1795) nous apprend que le Conventionnel Marie-Joseph Chénier (1764-1811), frère du poète de même nom, est monté à la tribune pour annoncer que
« le Comité de Sûreté Générale tient dans ses mains le cachet qui doit servir de ralliement aux prétendus fidèles (royalistes) de Lyon… Le nom de Précy (l’envoyé par les royalistes pour le ralliement) est gravé sur le cachet avec le nom de Louis XVII ! » .
Réaction de l’assistance à cette diatribe : le silence. Aucun commentaire.
Tous auraient dû se lever et sourire car ils devaient savoir que Louis XVII était mort 14 jours avant, le Comité de Sûreté Générale ayant signé l’acte de ce décès le 12 de ce mois. Et bien, rien. Aucune voix ne s’est élevée pour affirmer que cette conspiration royaliste était ridicule et vouée à l’échec car l’enfant-Roi était mort ce même mois ! Ce silence montre que le problème est sérieux car Louis XVII est bien vivant …
Il est rendu compte le procès-verbal de la séance de la Convention de ce même jour lors de laquelle un membre du Comité de Salut Public lit les lettres envoyées par les Commandants (républicains) des Ports de Lorient, de Nantes, Belle-Isle et de Paimboeuf précisant que les Anglais ont diversement débarqué sur le sol français ; il cite notamment la lettre du général républicain Boneret (Belle-Isle) lequel informe la Convention que les Anglais l’ont sommé de se rendre au nom du Roi Louis XVII et
« qu’il a répondu qu’il avait assez de vivres et d’artillerie et qu’il ne reconnaîtrait jamais Louis XVII ».
Les autres Commandants reçurent cette même sommation de se rendre au nom de Louis XVII. Ils refusèrent pour le même motif.
Réaction : silence de la Convention, rapporté par le Moniteur.
Deux points doivent être éclaircis :
1° Pourquoi le silence de la Convention ? En effet quelle est sa réaction? Trouve-t-elle cette sommation ridicule puisque Louis XVII n’existe plus ? Non. Silence, là aussi mais elle donne juste l’ordre d’insérer ces lettres dans son Bulletin, ce qui a été fait et prouvé par le procès-verbal publié 2 jours après, le 22 messidor an III.
2° Pourquoi le Général Boneret et les autres Généraux affirment-ils l’existence de deux possibilités de légitimité :
-celle de la Convention
- ou celle de Louis XVII.
Mais puisque Louis XVII est prétendument décédé, pourquoi ce choix ? Logiquement aucun choix n’est possible : le petit Roi est mort, seule existe la Convention, ce débarquement est donc voué à l’échec. Pourquoi ? Parce que Louis XVII est vivant et ils le savent bien…
Il est mentionnée l’intervention du Conventionnel Hardy ; celui-ci rend compte de la situation contre révolutionnaire à Rouen :
« Les cris de vive le Roi ! Vive Louis XVII s’étaient fait entendre pendant trois jours à aide de leur viles agents».
Réaction de la Convention : silence ; silence dont fait encore état le Moniteur.
La Convention savait non seulement que Louis XVII était vivant mais que cela était de notoriété publique ; ceci étant, elle savait aussi que, en raison de l’existence même d’un Roi, du Roi Louis XVII, la République était en danger.
Le Comte de Provence fut informé par les Généraux vendéens se trouvant à Vérone, là-même où lui aussi se trouvait, que
« le jeune Prince (Louis XVII) n’était pas mort au Temple mais qu’on l’avait au contraire, sauvé de prison. »
Ceci est attesté notamment par la déposition que fit Jean-Baptiste de Brémond en octobre et novembre 1837 devant le Tribunal du District de Vevey (Suisse).
M. de Brémond se trouvait en Suisse en 1795. Dans cette déposition il dit que Son Excellence l’Avoyer Steiguer le fit appeler pour lui dire ce dont les Généraux vendéens avaient transmis au Comte de Provence.
Nous avons plusieurs témoignages ; voici quelques uns :
Directeur des Archives de la Maison Impériale et le l'Etat d'Autriche, d'Arneth fut interrogé par les Agents du Roi Guillaume II de Hollande en 1842 sur « l’affaire Naundorff » :
« Nous (la Cour de Vienne) avons eu, dès fin juin 1795, le procès verbal de l’évasion du fils de Louis XVI de sa prison . »
Chevalier Alfred d'Arneth
Ami et secrétaire particulier de Louis XVI, dans une déposition qu'il fit en octobre et novembre 1837 devant le Tribunal de Vevey (Suisse), précise:
« Je sais que le gouvernement autrichien possède sur cet objet (l’évasion de Louis XVII) un document des plus précieux. Un de mes amis que M. Thugut employait comme son secrétaire particulier, m’a déclaré avoir tenu ce document entre ses mains dans le Cabinet de ce Ministre. C’était un procès-verbal de l’enlèvement du Jeune Louis XVII ».
Jean-Baptiste de Brémond
Ministre de l’Intérieur de l’Empereur d’Autriche, dans une lettre du 11 juillet 1795 à M. Strahrenberg, Ambassadeur d’Allemagne à Londres (Archives de Berlin), Thugut écrit:
« Jusqu’ici une reconnaissance prématurée de Monsieur (le Comte de Provence) comme Roi nous semble présenter beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. L’on pourrait même être étonné en quelque sorte que Monsieur se pressât de prendre le titre de Roi, puisqu’en examinant les choses de plus près, il n’existe aucune certitude légale du décès du fils de Louis XVI. »
« Sa mort, jusqu’à présent, n’a au fond d’autre preuve que l’annonce du Moniteur et, tout au plus, un procès verbal fait par ordre des brigands de la Convention et par des gens dont toute la déposition est fondée sur ce qu’on leur aurait présenté le corps d’un enfant mort, qu’on leur aurait assuré être le fils de « Louis Capet ».
« J’avoue…. qu’il n’en serait pas moins possible que les chefs des scélérats de la Convention eussent jugé de leur intérêt de publier sa mort en se réservant cependant dans un lieu sûr et ignoré ce dépôt précieux comme une dernière ressource dans les dangers dont un changement des circonstances pourrait les menacer ».
Baron Thugut
Le Chevalier de Chatellier, avait été accrédité par l'Armée de Vendée pour se voir remettre Louis XVII et sa sœur. Il vint donc Paris. La remise des enfants royaux devait être faite au Château de Saint Cloud le 15 juin 1795, ainsi que cela avait été convenu dans les Annexes secrètes du Traité de la Jaunais. Ceci ne put, toutefois, se faire puisque Louis XVII avait été évadé du Temple le 12 juin, sous couvert d’un autre enfant, qui lui avait été substitué en mars 1795, dénommé Gonnhaut-Léninger, et emmené au 6 rue de Seine.
Ceci explique pourquoi Sieyès, Conventionnel ayant soutenu l’évasion mais ne disposant pas du jeune Roi, ordonna au Général Beaufort de Thorigny de rompre ce Traité de paix. Et la guerre fratricide et génocidaire reprit.
Selon les accords secrets du Traité de la Jaunais (18 février 1795), signé entre les Chefs vendéens et la Convention, Louis XVII devait être remis, avec sa sœur, aux mains du Général de Charrette, au plus tard le 15 juin de cette année.
De fait, le jeune Roi fut délivré de sa prison dans la soirée du 12 juin 1795. L’accord a été tenu, secrètement, car une large partie de la Convention ignorait les « articles secrets » de ce Traité.
Le Général de Puisaye, comme tous les chefs de la défense royaliste, sait que Louis XVII a été libéré du Temple et demande à ce qu’il soit proclamé Roi!
Voici la proclamation du Général Joseph de Puisaye, commandant en chef de l’armée royale de Bretagne, en date du 30 juin 1795, 18 jours exactement après l’évasion de Louis XVII :
« Français !
Au nom de Dieu, de votre Roi et de vos Princes légitimes, nous venons vers vous avec des paroles de paix.
Pourquoi cet intéressant et auguste rejeton de tant de Rois (Louis XVII), le fils de ce malheureux Monarque (Louis XVI), qui, croyant se confier à l'amour de son peuple, s'est précipité lui-même dans les bras de ses assassins, n’est-il pas proclamé Roi, rendu au Trône de ses ancêtres et environné des gardiens et conseils que la nature et la loi lui désignent..?
Soyez les sauveurs de notre patrie...
Il est glorieux de recevoir le prix de la valeur des mains d'un Roi qu'on a rétabli dans ses droits.
Au quartier général de Carnac.
Le 30 juin 1795.
Signé : PUISAYE. »
Cette proclamation est notamment citée dans les « Mémoires sur la Vendée » par le Comte de Vauban (1806).
Le Comte de Provence, on s’en doute, blêmit devant cette proclamation. Etienne de Jouy (1764-1846) dans sa « Biographie des Contemporains » (Paris – 1821 – tome XVII, page 145) dit en parlant du Général de Puisaye:
« Ses violents démêlés avec les agents du Roi (Louis XVIII qui n’était alors que Comte de Provence), forcèrent le général Puisaye à donner sa démission en 1797... et il quitta la France... La disgrâce dans laquelle cet officier général était tombé avant la Restauration ne paraît pas avoir cessé depuis, et il n'est pas rentré en France. »
Sous les murs des Sables-d’Olonne, en décembre 1795, 6 mois après le prétendu décès de Louis XVII, le Général Charrette de la Contrie fit l’adresse suivante à son armée en parlant du jeune Roi:
« Unique et débile rejeton de ce grand arbre tranché par le glaive, tu n'as recueilli des tiens qu'un héritage de malheur, et, pour y mettre le comble, à peine soustrait à la férocité de tes bourreaux, TU ES DEVENU VICTIME DE LA TRAHISON DE TES DEFENSEURS... (en majuscules dans le texte).
Eh quoi! tu retomberais sous la puissance des tyrans...
Non, non, tant qu'un souffle de vie animera mon existence, la tienne est assurée!
Signé: CHARETTE. »
Cette adresse est rapportée par le Vicomte de la Rochefoucauld dans ses «Mémoires» - Tome V, p.83-Paris-1834.
On remarquera la phrase : « à peine soustrait à la férocité de tes bourreaux » : c’est-à-dire « à peine évadé du Temple »
Et aussi la suite de la phrase : « tu es devenu victime de la trahison de tes défenseurs » ; ces défenseurs (qui auraient dû du moins être tels) sont les oncles du jeune Roi, au comportement infâme ; celui du Comte de Provence, en réalité, qui a entraîné dans son sillage malfaisant le faible Comte d’Artois.
Général Aimé Piquet de Boisguy, chef des Chouans de Fougères, dès le 16 juillet 1795, fait toutes ses déclaration au nom de Louis XVII.
Voici la lettre écrite par un certain Mercier, capitaine dans l’armée royalise de Vendée, datée du 11 janvier 1796 DE L’AN DEUXIEME DU RÈGNE DE LOUIS XVII… (Correspondance secrète de Charrette, Stofflet, Puisaye et autres Tome II– A Paris – Chez F. Buisson – Imprimerie Libre - rue Haute-Feuille n°20 – An VII de la République Française).
Finalement, Louis XVII vint-il en Vendée ? Nous étudierons cela dans « l’errance » du Jeune Roi.