AMBIANCE ENTOURANT LES JEUNES ANNÉES DE LOUIS XVII

Les agissements méphitiques du Comte de Provence, futur Louis XVIII,
envers la famille royale

Le Comte de Provence, futur Louis XVIII, dès sa jeunesse, n’aimait pas son frère « Berry », futur Louis XVI. Il pensait qu’il était plus apte à régner que ce dernier. « Sa douleur est de ne pas être né le maître » (Marie Antoinette – billet adressé à Mme de Lamballe).

Tant que la Reine n’avait pas d’enfant (les 7 premières années de son mariage), il se réjouissait. Mais quand naquit Louis-Joseph le 22 octobre 1781 il fit visiblement une triste figure que tout le monde à Versailles vit. (Cf. « Journal anecdotique tiré des mémoires secrets pour servir à la République des Lettres » de Mouffle d’Angerville et Pidansat de Mairobert - octobre 1781, pp. 335-236).

Quand naquit ensuite Charles-Louis (futur Louis XVII) le 27 mars 1785, sa rage ne put être contenue… La succession au trône était doublement assurée. Il ne resterait que « Monsieur » et jamais « Roi ».

Ceci explique tous les agissements pervers qui caractérisèrent sa misérable vie.

Mais c’est la Révolution qui lui ouvrit le chemin des méfaits car il put alors comploter librement, profitant de la situation. Le problème était triple :1) Évacuer, c’est bien le mot, Louis XVI  2) Contrer son cousin Philippe d’Orléans dit Égalité qui voulait la Couronne ; 3) Evacuer la Reine.

Quant à évacuer Charles-Louis, le Dauphin, ce sera là le problème de tout le reste de sa vie.

Évacuer Louis XVI

  • En discréditant la paternité de son frère
  • Dès 1787 il tenta de faire accroître la rumeur (car il avait commencé subrepticement bien avant) que Louis XVI n’était pas le père des enfants royaux. A cette fin il écrivit au Duc Jacques-Charles de Fritz-James (1743-1805) – futur correspondant à Paris de l’Ambassadeur d’Angleterre –Lord Granville (1773-1846), pour préparer déjà un coup d’Etat et être nommé Roi à la place de son frère. Voici la lettre :

    «  Versailles, le 13 mai 1787

    Voici mon cher, l’Assemblée des Notables qui tire à sa fin et cependant on n’a pas abordé encore la grande question (souligné dans la lettre.). Vous ne pouvez douter, les Notables n’hésiteront pas à le croire d’après les pièces que vous leur avez remises il y a plus de six semaines, que les enfants du Roi ne sont pas les siens, ces pièces prouveront à l’évidence la conduite coupable de la Reine. Vous êtes trop attachés au sang de vos ancêtres pour ne pas rougir de ployer devant ces fruits adultérins. Le Parlement qui n’aime pas la Reine ne fera pas grande difficulté…Enfin, il faut porter le coup …. Oui, mon cher Fitz-James, c’est un pauvre Sire (Louis XVI) et la France est digne d’avoir un véritable Roi».

    Louis Stanislas Xavier

    Correspondance de Louis XVIII- p.162

    Ce plan fut déjoué par les évènements.

    C’est sous le Directoire (26 octobre 1795 au 9 novembre 1799) que l’on trouva chez l’ex conventionnel Durand de Maillane, après un coup de force fréquent à cette époque, un document qui fut publié et qui précise :

    « … On sait que lors de l’Assemblée des Notables, le bureau de Monsieur, frère du Roi, fut absolument contraire à tous les actes. Ce Prince calculait depuis longtemps tous les moyens de se faire nommer Régent du Royaume. Il est très peu de personnes qui savent qu’il est l’auteur du dépôt des pièces qui fut fait au Parlement de paris, lors de l’Assemblée des Notables (mai 1789) par le Duc Fitz-James, au nom des Ducs et Pairs du Royaume. Ces pièces mensongères avaient été forgées dans un conciliabule pour priver les enfants du Roi de l’héritage de leur père. »

  • En voulant faire enlever le Roi et l’enfermer loin de France (l’affaire Favras).
  • En décembre 1789 éclata « l’affaire Favras ». Thomas de Mahy, Marquis de Favras (1744-1790) fut accusé d’avoir voulu faire quitter Paris à Louis XVI et à la famille royale. Toutefois, les libelles, plus intuitifs, accusent le Comte de Provence d’être à l’origine d’un complot qui tendait à se débarrasser de son frère. Calomnies ?... Non. Nous avons des écrits sérieux qui indiquent très clairement que le Comte de Provence utilisa le Marquis de Favras, au moyen de fortes sommes d’argent. Voici un des écrits dénonciateurs :

    « Paris, 2 décembre 1789

    « Je ne sais, Monsieur, à quoi vous employez votre temps et l’argent que je vous envoie…. Ils (Bailly et Lafayette) ont excité l’insurrection du peuple, il faut qu’une insurrection les corrige.. Ce plan, en outre, a l’avantage d’intimider la nouvelle Cour et de décider l’enlèvement du soliveau (mot souligné dans la lettre qui désigne Louis XVI). Une fois à Metz ou à Péronne, IL FAUDRA QU’IL SE RÉSIGNE… RENVOYEZ AU BAS DE CETTE LETTRE UN RECU DE 200 000 LIVRES.

    Louis Stanislas Xavier

    (Cette lettre fait partie de la collection de Lord Hougthon – 1809-1885- secrétaire de la Société de Philobiblion de Londres ; elle appartient maintenant à ses descendants).

    Favras et les aigrefins, qui devaient concrétiser l’enlèvement, avaient des exigences et coûtaient cher. L’argent n’affluant pas assez ou pas assez vite, l’action retardait. L’affaire se sut et Favras fut arrêté le 24 décembre 1789 en sortant du Trésorier du Comte de Provence.

    Augeard, secrétaire des Commandements de la Reine, en serviteur loyal de Louis XVI, estima qu’il fallait absolument sauver la face de la Monarchie : il rencontra Favras, sous les verrous, et le persuada de taire à ses juges l’origine du complot (le frère du Roi) et qu’il serait délivré, quoi qu’il arrivât, au dernier moment. Favras se tut et espéra éviter jusqu’à la dernière minute la pendaison. (Cf. Mémoires Secrets- Augeard- 1760-1800, p.117). En vain. Mais le Comte de Provence s’en sortait. Le lendemain de l’exécution il accorda à sa veuve une gratitude de 12 000 livres. (Cf. Correspondance de Louis XVIII) . Mais une fois Roi, en 1814, le destin lui fit rencontrer Madame du Cayla née Talon, fille du Lieutenant Civil du Châtelet de l’époque, Talon du Boullay. Celle-ci avait hérité de son père les pièces accusatrices envers le Comte de Provence du « dossier Favras ». Mme du Cayla devint la maîtresse du Roi et la veuve de Favras reçut encore une fois de l’argent mais cette fois-ci une pension sur la liste civile du Souverain.

    Le matin de ce sinistre 6 octobre 1789 (le Château de Versailles fut envahi par une foule soudoyée par le Duc d’Orléans et la famille royale fut emmenée à Paris et logée aux Tuileries), c’était le début de la fin… Mais que dit le Comte de Provence de tout cela ? Ce matin, J.J.Mounier, Président de l’Assemble Constituante alla trouver le Comte de Provence pour lui faire part de ses craintes quant au sort de la famille royale. Celui-ci répondit :

    « Que voulez-vous, nous sommes en Révolution et on ne fait d’omelette
    sans casser des œufs »

    Rapporté dans « Mémoires » de Jean-Joseph Mounier – 1756 – 1806


  • En trahissant le plan du Roi dans le départ vers Montmédy (20-21 juin 1791)
  • Le 19 juin 1791 (ville du départ de la famille royale vers Montmédy), alors qu’il se préparait à émigrer à Bruxelles, il reçut de son frère, bien naïf, Louis XVI, la confidence de sa fuite, organisée par Fersen, pour rejoindre les troupes royalistes stationnées en Lorraine. Aussitôt il prévint Lafayette de ce plan et ce « brave » Général se chargea de diriger ses troupes sur la route indiquée, mais, pour masquer la trahison de Monsieur, il envoya quelques troupes dans diverses directions pour brouiller les pistes et montrer son ignorance du véritable chemin.…


  • En mettant en place une stratégie mortifère pour provoquer la chute de Louis XVI
  • Une fois devenu chef des émigrés, de Mons, puis de Coblenz, le Comte de Provence œuvra à chute de son frère. Pour ce faire il fit tout pour que la Convention crût à un complot ourdi par Louis XVI pour envahir la France par des troupes royalistes amassées au bord du Rhin, montrant ainsi que le Roi trahissait les acquis de la Révolution de 1789 et travaillait pour restaurer un pouvoir royal absolu. C’était faux ! Devant ces agissements dangereux pour lui et sa famille, Louis XVI ne cessait d’écrire à son frère et aux émigrés ne point contrevenir aux décisions de l’Assemblée législative mais ceux-ci continuaient leurs menaces d’envahir le Royaume. Ils firent des déclarations effroyables dans un Manifeste dit « de «Schonbrunstadt », près de Coblentz, qui allait mener Louis XVI à la mort.

    Voici ce que dit Maurice de Montgaillard – homme du futur Louis XVIII qu’il trahit et écrivit ses Mémoires à Londres après la Révolution :

    « A partir de ce moment, Louis XVI et la Reine devinrent l’objet d’une diffamation continue à Coblenz ; on leur imputa tous les malheurs de la France…dire du bien de Louis XVI fut un crime à Coblenz, en dire du mal fut une vertu. Le Vicomte D… disait publiquement : ‘Si je tenais la Reine ici, je l’écraserais sous mes pieds’ ».

    M. Montgaillard- «  Histoire secrète de Coblenz dans la Révolution française, p. 81 – Londres – 1795

    Ajoutons que Montgaillard participa aux échanges entre le Comte de Provence et le Général Pichegru, ce dernier étant considéré comme un traître à la Révolution (Manuscrit inédit de Louis XVIII – BNF).

    Vergennes, ancien Ministre de Louis XVI, tenta, à la demande de ce dernier, de calmer les émigrés et de dissoudre leurs armements car la famille royale était accusée par les révolutionnaires d’intelligence avec eux et que l’avenir serait terrible pour elle (le plan du Comte de Provence s’était bien mis en place !). Rien n’y fit.

    « Le Roi et la Reine… attendaient les réponses avec une anxiété qui surpassait leur espoir… quand elles leur parvinrent (elles étaient d’un net refus), toute cette famille fut atterrée ; ils nous tuent, ils nous égorgent, s’écria la Reine en sanglotant. ; Caïn ! Caïn !. Un frère ! Monsieur nous assassine ! Quelle âme de fer ».

    « Mémoires » de Goguelat, agent de Louis XVI, pp. 225-226

    Le Roi écrivit au Comte de Provence:

    « Je désavoue toute entreprise qui pourrait être formée contre la Constitution (3 septembre 1791) que je viens d’accepter ; de quelque part qu’elle vienne (sous-entendu « de vous et de vos troupes, mon frère ») je m’y opposerai de toutes mes forces et je déclare authentiquement que je regarde comme criminel quiconque osera former pareil projet… J’ai lu attentivement votre lettre, J’y découvre le but où vous tendez… J’y vois que vous pensez plus à vous qu’à moi…».

    « Mémoires » de Goguelat, pp. 225-226

    C’était M. de Goguelat, secrétaire de Louis XVI, qui transmettait les lettres au Comte de Provence et à ce dernier, la réponse du Roi. Cette lettre de Louis XVI ne reçut aucune réponse du Comte qui lui demanda, « d’abandonner » le Roi et de mettre à son service. De Goguelat refusa et fut expulsé de la ville.

    Toutes ces entreprises agirent en défaveur du Roi. La Convention se crut trahie, le peuple prit peur et on voulut lui faire encore plus peur en rédigeant à Coblenz, sous la vigilance du Comte de Provence, le « Manifeste de Brunswick » ; celui-ci menaçait de venir en force à Paris et mettre à mal sa population. Ceci mit le feu aux poudres et amena la journée du 10 août 1792 avec la fuite de la famille royale à la Salle du Manège aux Tuileries, puis l’enfermement au Temple, à la chute de la Monarchie (22 septembre 1792). Ce Manifeste de Coblenz fut

    « un véritable fratricide des princes contre le Roi et sa famille »

    « Souvenirs » de Mathieu Dumas – miliaire et député sous la Terreur – T.II - p.426-1839

    Ces méfaits sont soulignés dans une phrase d’une lettre qu’écrivit Monsieur de Brémond (ancien Secrétaire de Louis XVI aux Tuileries) le 25 mai 1837 à la Duchesse d’Angoulême, soeur de Louis XVII. Parlant de la promesse de l’aide que devait apporter le Roi Georges III d’Angleterre à Louis XVI et à sa famille et protéger ainsi le Dauphin en prévoyant une tutelle si le Roi venait à mourir, de ne pas désigner les frères de ce dernier

    « … ceci est un jugement solennel contre leurs Altesses Royales le Comte de Provence et le Comte d’Artois, malheureusement placés au nombre des ennemis conjurés contre Louis XVI »

    JB. de Brémond

    Louis XVI sur le chemin de ronde de la tour du Temple
    (13 aout 1792-21 janvier 1793)


  • En soudoyant soixante Conventionnels pour que fût votée la mort de son frère
  • Dans une lettre du 27 décembre 1792, alors que le Roi était jugé, il écrivit ses espérances à son frère, le Comte d’Artois :

    «  Tout ce que la fortune pouvait imaginer de plus fatal s’était réuni contre nous depuis 18 mois (depuis juin 1791 où il émigra) mais il semble qu’elle veuille s’apaiser et nous regarder avec plus de faveur… si le coup qui se prépare est frappé, il vaut à lui seul une armée. Soixante Montagnards de l’Assemblée et le Ministère anglais nous resteront. Avec de tels secours on peut espérer…». (Espérer quoi ? La mort du Roi, bien sûr !)

    Louis Stanislas-Xavier

    Correspondance de Louis XVIII- p.172

    Soixante Montagnards bien soudoyés pour voter la mort, voilà que le chemin vers le trône sembla s’ouvrir pour le Comte de Provence et avec l’aide des Anglais… Il voulait, il espérait la mort de son frère. Elle arriva 25 jours plus tard, le 21 janvier 1793.

    Voici ce qu’il écrivit encore au Comte d’Artois, le 28 janvier 1793, sept jours après l’exécution du Roi :

    « C’en est fait, mon frère, le coup est porté. Je tiens dans mes mains la mort de Louis XVI et je n’ai que le temps de vous en instruire. L’on apprend aussi que son fils s’en va mourir. En donnant des larmes pour nos proches, vous n’oublierez jamais de quelle utilité pour l’État va devenir leur mort (« leur » mort… déjà Louis XVII était visé). Que cette idée nous console et pensez que votre fils est après moi l’espoir et l’héritier de la Monarchie ».

    « Correspondances » - Louis XVIII- p. 176

    Mais Louis XVII, enfermé au Temple, loin de « s’en aller mourir », se portait très bien comme le témoignait sa sœur dans son journal écrit dans la forteresse (« Mémoire » de Marie Thérèse Charlotte de France – Ed. Mercure de France- 1968). 



    Eliminer la Reine

    Louis XVI évacué, le Comte de Provence avait encore devant lui deux ennemis qui lui barraient l’accès au trône : Marie Antoinette qui, si les révolutionnaires étaient vaincus (par l’armée de Condé et l’aide des Anglais) devenait Régente du Royaume durant la minorité du jeune Roi, et enfin, ce dernier qui deviendrait plus tard Roi.

    Le Comte de Provence avait ses « alliés » dans le camp des révolutionnaires ; aussi correspondit-il avec Robespierre, entre autres, promettant à ce dernier, une fois son règne établi, un poste en vue…(cf. Lettre infra).

    Dans la perspective d’empêcher la Reine de devenir Régente, il demanda la mort de celle-ci. Et c’est ce que fit Robespierre en décidant le transfert de celle-ci du Temple à la Conciergerie, dans la nuit du 2 août 1793 à 2 heures du matin. Ainsi, Richard, le concierge de la sinistre prison, inscrivit-il sur le gros livre d'écrou sa deux cent quatre vingtième prisonnière, « prévenue d'avoir conspiré contre la France ».

    Le prétexte officiel fut l’avancée des armées de Condé… La mort de la Souveraine était fixée d’avance ; un faux procès, sans pièces et sans arguments (son avocat Chauveau Lagarde n’eut rien en mains pour la défendre), voilà ce que réservait l’Incorruptible à Marie Antoinette.

    La Reine Marie-Antoinette devant le Tribunal Révolutionnaire

    Entre ce 2 août et le 2 septembre 1793, on chercha de-ci de-là, des pièces susceptibles de la faire condamner. Le 2 septembre, Fouquier Tinville, accusateur public du Tribunal Révolutionnaire, demanda que la procédure fût accélérée. A onze heures du soir, le Comité de Salut public se réunit pour délibérer secrètement sur la « mort de la reine ». Alors que certains considéraient encore Marie Antoinette comme une monnaie d'échange, l’immonde Hébert se distingua par sa violence: « J'ai promis la tête d'Antoinette, j'irai la couper moi même si on tarde à me la donner ». La discussion se prolongea jusqu'à l'aube. Puis, Fouquier Tinville vint expliquer que, pour être certain de la condamnation de la « veuve Capet », il faudra choisir des jurés fiables, nommés à titre définitif et rémunérés. Ce sera chose faite le 8 septembre.

    Le 3 octobre, la Convention décréta que le Tribunal Révolutionnaire s'occupera « sans délai et sans interruption du jugement » devant déterminer le sort de Marie-Antoinette. Fouquier Tinville acquiesça, tout en objectant qu'il n'avait, en définitive et malgré toutes les recherches, en sa possession aucun document sérieux susceptible de la faire condamner.

    Le Député Billaud-Varenne ne déposa-t-il pas une proposition sur le Bureau de la Convention - adoptée le 3 octobre 1793 bien avant le procès - tendant à ce que

    «la veuve Capet, la honte de l’humanité et de son sexe, soit décrétée d’accusation et exécutée»?

    Procès Verbaux de la Convention – A.N. Cote L E 37

    L’Accusateur Public ne pouvait que savoir à l’avance ce qu’il en adviendrait car il recevait au préalable de Robespierre les instructions à cette fin, comme il recevait l’approbation pour chaque nom inscrit sur ces listes de personnes devant « monter » à cet infâme Tribunal. D’ailleurs G.J. Sénart, après nous avoir rappelé que « Robespierre était de toutes les intrigues » nous rapporte les propos qu’il échangea avec Fouquier suite à des menaces qui pesaient sur sa propre personne :

    « Je (Sénart) lui (Fouquier) répondis : tu dois savoir que je suis patriote. ‘N’importe, répliqua-t-il, patriote ou non, lorsque le Comité de Salut Public et Robespierre ont décidé la mort de quelqu’un, je l’exécute, je ne suis qu’un être passif’. Je fus saisi de l’atrocité de ce propos ».

    « Révélations puisées dans les Cartons des Comités de Salut Public et de Sûreté Générale »,

    G. J. Sénart – secrétaire-rédacteur au Comité de Sûreté Générale - p.79

    Mais ils réussirent cependant. Nous savons tous ce qui arriva le 16 octobre 1793…

    La Reine Marie-Antoinette quittant la conciergerie pour aller à l’échafaud – 16 octobre 1793

    Ainsi, dans l’exécution de la Reine, loin d’en pâlir, le Comte de Provence, vit-il son projet de régner conforté :

    « A la nouvelle que Marie Antoinette venait de périr sur l’échafaud Monsieur était adossé à la tablette de la cheminée et, pour toute oraison funèbre, frappant d’un violent coup de poing sur la table, s’écria : nous verrons bien si la Cour de Vienne me refusera encore la Régence »

    M. Montgaillard- «  Histoire secrète de Coblenz dans la Révolution française », p. 64 – Londres – 1795

    On a retrouvé le lendemain de la mort de Robespierre (28 juillet 1794), cachés entre le matelas et le sommier, des documents et la correspondance qu’il entretenait notamment avec le Comte de Provence ; y était inclus le Testament de la Reine, rédigé à 4 heures du matin, adressé à Madame Elisabeth et qu’il ne remit jamais à cette dernière. La Convention s’en saisit et les confia pour étude à Edmé Courtois, Conventionnel, lequel fit un rapport public en août 1795. On appelle ce lot « les papiers Courtois ».

    Annonce de l'execution de la Reine parue dans un journal anglais le 21 octobre 1793

    Ceci révèla le rôle ambigu du Jacobin pendant la Révolution. Courtois précisa dans son rapport : « Robespierre se fit républicain sous la monarchie et monarchiste sous le gouvernement républicain » (tome I-page25). Robespierre voulait devenir lui-même Régent en épousant Mme Elisabeth puis, après la mort de celle-ci, Mme Royale. Il s’en confia à son ami Maret, libraire au palais Royal, projet que rapporta le Moniteur Universel du 9 thermidor an II et aussi Barras dans ses « Mémoires » en citant l’intervention de Barère de Vieuzac à la tribune de ce jour fatal ; celui-ci accusait « le tyran » d’avoir voulu rétablir le fils de Louis XVI sur le trône et d’avoir, pour compte, projeté d’épouser Mademoiselle, fille du Monarque ».

    Le Tribunal Révolutionnaire
    Institué le 10 mars 1793 et dissous le 31 mai 1795

    Toutefois, ne sachant comment « le vent allait tourner », Robespierre jugea bon de se réserver les faveurs du Comte de Provence pour ne pas être mis lui-même à mort, en tant que Jacobin, dans l’éventualité de l’avènement de ce dernier.

    Voici une lettre qu’écrivit après la fête de l’Être Suprême (8 juin 1794) le Comte de Provence à Robespierre, visiblement en réponse à une missive de ce dernier ; on voit le conseil donné par le futur Roi usurpateur au révolutionnaire de se préparer à quitter le devant de la scène politique occupée jusqu’alors (puisque lui, Régent, allait y venir) étant entendu qu’une autre place lui serait réservée, selon leurs « arrangements »…

    « A présent, vous allez employer toute la vigilance qu’exige la nécessité de fuir le théâtre où vous devez bientôt paraître et disparaître pour la dernière fois. Il est inutile de vous rappeler toutes les raisons qui vous exposent car ce dernier pas qui vient de vous mettre sur le sofa de la Présidence vous rapproche de l’échafaud, où vous verriez cette canaille qui vous cracherait au visage comme elle l’a fait à ceux que vous avez jugés… Ainsi, puisque vous êtes parvenu à vous former ici un trésor suffisant pour exister longtemps, ainsi que les personnes pour qui j’en ai reçu de vous, je vais attendre avec une grande impatience pour rire avec vous du rôle que vous avez joué dans le trouble d’une Nation aussi crédule qu’avide de nouveauté ! Prenez votre parti d’après nos arrangements ».

    Archives Nationales-Carton F7-4775-10 et F7- 5198 – IIIème liasse – Rapport Courtois - Tome II - p. 156 – BNF.

    Le Comte de Provence transmettait les lettres destinées à Robespierre à son ami, Théodore de Lameth qui résidait en Suisse. De là, celui-ci les remettait à la sœur du Conventionnel, Charlotte de Robespierre qui séjournait souvent dans ce pays où elle se faisait appeler « Charlotte de la Roche » ; elle revenait en France pour les remettre à son frère avec le laisser-passer magique de cette époque , « Charlotte Robespierre » (la particule était oubliée).



    Contrer son cousin Philippe d’Orléans

    Philippe d’Orléans dit « Egalité », qui pactisa avec les Révolutionnaires tout en voulant être lui aussi Roi, était un cousin bien encombrant pour le Comte de Provence.

    Louis-Philippe d’Orléans dit « Philippe Égalité » ( 1747-1793)

    Aucune pièce d’archive ou précision incluse dans quelques Mémoires des témoins de ce temps n’atteste expressément l’incitation – exercée sur Robespierre- à faire monter subitement Philippe Egalité au Tribunal Révolutionnaire et le conduire ainsi à l’échafaud mais… Mais comment se fait-il que de sa prison au Fort Saint Jean à Marseille où il était enfermé, Philippe Egalité fut brusquement reconduit à la Conciergerie le 2 novembre 1793 pour être jugé (pour quelle faute ? on n’en trouva officiellement aucune) puis exécuté le 6 de ce même mois. La Convention avait décidé de seulement l’éloigner de Paris en raison du ralliement de son fils (putatif) Louis-Philippe au Général Dumouriez mais pas de le condamner …

    En réalité Egalité conspirait dès 1788 en faveur d’une révolution : ses liens avec l’abominable Pitt (Premier Ministre de l’Angleterre, qui l’utilisait à des fins autres que de le mettre sur le trône) menaient la France à la destruction ; ses méfaits étaient immenses et sus de tous. Mais aussi « tous » y étaient mêlés plus ou moins selon les intérêts particuliers que chacun aurait pu tirer de l’accession au trône d’Égalité après la mort, souhaitée puis accomplie, du Roi.

    Le vote fatal de Philippe-Égalité condamnant à mort son cousin, Louis XVII

    Ce mois de novembre 1793, mois de la mort de Philippe Egalité, nous alerte car Robespierre reçut ce même mois la lettre précitée du Comte de Provence, incluse dans les « papiers Courtois ». Non seulement il reçut cette lettre, mais une autre missive lui avait été adressée d’Amsterdam (Hollande), datée du 21 novembre 1793 (donc après l’exécution de Philippe-Égalité), par un certain Niveau, Franc-Maçon (Pièce inédite trouvée dans « les Papiers Courtois » ). Nos recherches ont montré qu’il s’agit de la Loge Maçonnique « la Bien-Aimée » qui était la Loge du grand négoce d’Amsterdam dont le Grand Maître a été Aloysius Friedrich von Buhl, qui décéda en 1793.

    Tout, dans cette lettre, révèle les injonctions données par une Loge Maçonnique que transmet le « frère » Niveau:

    - Niveau, tout au long de sa lettre, n’écrit jamais « je » mais « nous » ;

    - le contenu montre que la situation en France est non seulement observée attentivement mais qu’un dirigisme certain est appliqué auquel le frère Robespierre devrait se soumettre ; il est comme observé et guidé…

    - un point important est demandé : la mise à mort de la religion et des prêtres, suivi de l’instauration d’un système totalitaire où gouverne une minorité…

    Voici le détail de cette lettre :

    Amsterdam, 1er jour de la 1re décade du 3ème mois de la République Française, une et indivisible

    (21 novembre 1793)

    « Il y a longtemps que je vous dois une réponse, mon cher Robespierre, mais vous n’en devez attribuer le retard qu’à la rapidité avec laquelle vous faites succéder les événements en France… Poursuivez, généreux citoyen, poursuivez ! Nous voyons avec une joie secrète que vous touchez au but que vous vous êtes proposé. Encore quelques têtes à bas, et la dictature vous est dévolue ; car nous reconnaissons avec vous qu’il faut un seul maître aux Français, n’importe quel nom on veille lui donner. » (souligné dans le texte).

    « Je ne vous dirai rien de la femme Capet sinon que sa mort n’a surpris ni affligé personne… Quant à ses enfants et sa sœur (belle-sœur, en fait : Mme Elisabeth), qui a la réputation chimérique d’une femme vertueuse, nous avons voulu, suivant vos désirs, (souligné dans le texte) sonder un peu les sentiments du peuple à leur sujet. Nous avons fait courir le bruit que le petit Capet est mort de sa descente et sa sœur d’une révolution. Mais nous avons eu la douleur de voir notre attente déçue de ce côté. Personne n’a été dupe de notre petite ruse ; chacun a dit comme d’un commun accord : « Ah ! Si les enfants sont morts, on leur a bien aidé !» Et tous paraissaient (tranchons le mot) indignés. Laissons donc là les petits Capet et leur tante ; la politique même l’exige, car si nous faisions mourir le garçon, les brigands couronnés reconnaîtraient aussitôt comme Roi de France, le gros Monsieur de Ham (le Comte de Provence)…. »

    « Frappez surtout la religion par ses fondements, et la renversez… Du moment que le peuple français sera sans prêtres, il sera sans passions contraires à celles que vous voulez uniquement lui inspirer. Anéantissez donc tous ces coquins à jaquettes noires. Vous n’avez plus besoin d’eux ; défaites-vous en. »….

    « Malgré l’admiration où nous a jetés le plan de vos institutions civiles, nous avons remarqué que vous paraissez avoir omis un point qui nos semble cependant d’une grande importance »..

    « Il n’est guère possible, sans courir de grands risques, de songer, pour le présent du moins, à niveler les fortunes… »

    « Vous savez que dans une pension, ce qui fait le profit du maître est le nombre de pensionnaires ; vous, vous seriez les maîtres de pension, et tous les Français les pensionnaires ; vous n’auriez jamais à craindre que votre table ne fût pas bien garnie… »

    « Adieu, mon ami.. comptez sur nous… »

    « Niveau »

    « Au citoyen Robespierre, à la Convention Nationale à Paris ; par Liège. »

    ( Rapport Courtois - Tome II - p. 261-267 – BNF).

    Ce fut là l’idéologie des « frères » mais il n’est pas certain que Robespierre goûtât ces idées car on sait qu’il défendit toujours le peuple contre les appétits des riches. Voici, à cet égard, une de ses notes incluses dans « les papiers Courtois » et dont la sincérité ne peut être mise en doute car cet écrit révèle un sentiment personnel ne devant pas être publié :

    « Quand le peuple sera-t-il donc éclairé ? Quand il aura du pain, et que les riches et le gouvernement cesseront de soudoyer des plumes et des langues perfides pour le tromper. Lorsque leur (celui des riches) intérêt sera confondu avec celui du peuple. Quand leur intérêt sera-t-il confondu avec celui du peuple ? JAMAIS. (en majuscules dans le texte) »

    ( Rapport Courtois - Tome I – p. 14- BNF).

    Toutefois, ce que nous pouvons percevoir de lui est qu’il cherchait à rétablir la Monarchie tout en ne faisant pas de la Franc-Maçonnerie, si puissante, une ennemie.



    *


    Un testament en guise de repentance ?

    On ignore généralement que Louis XVIII laissa un testament, trouvé immédiatement dans une cassette après sa mort survenue le 16 septembre 1824.

    Alexandre de Beaurepaire de Loubagny (1783-1862), Secrétaire de Talleyrand, cite les membres du Conseil privé du Roi (Charles X), qui étaient présents : le Baron Patry, son oncle, ministre de la police, , le Marquis de Rignon, intime du ministre Villèle, le comte de Bruges, le vicomte de Montchenu, le docteur Alibert, médecin de Charles X, Le Comte de Villèle , Monsieur de Brémond … Tous affirment la vérité de cette délibération et son épilogue : le testament brûlé !

    Ce testament, laissé à son frère, le Comte d’Artois, enjoignait ce dernier à laisser le trône à son héritier légitime, leur neveu Louis XVII, qui était vivant.

    M. de Brémond d’Ars, ancien secrétaire particulier de Louis XVI aux Tuileries, rapporta cet événement lorsqu’il fit une déposition sous serment devant le Tribunal de Vevey (Suisse) en 1837. Il avait été convoqué le 12 août 1837 afin de répondre à un interrogatoire de la police de Louis Philippe 1er (qui poursuivait tous ceux qui affirmaient la survivance de Louis XVII du Temple).

    Voici un extrait de cette déposition :

    « Dans un document signé de sa main, Louis XVIII fit un récit de la vie de son neveu (Louis XVII), le Duc de Normandie, et il fit un devoir à son frère (le Comte d’Artois) de le reconnaître et de le proclamer Roi de France. « 

    « Ce papier extraordinaire fut enfermé dans une cassette anglaise à double fond, qui était placée sans son cabinet et dont une dame (Mme du Cayla, maîtresse de Louis XVIII), autre que la Dame de qualité (la Duchesse d'Angoulême), avait la faveur de tout voir à son gré. »

    Le Cardinal Jean-Baptiste de Latil (1761-1839)

    « Une personne (Brémond parle de lui-même,) qui s’occupait alors de l’Orphelin du Temple pour le produire sur scène, et à qui elle avait déjà procuré des pièces importante pour de l’argent, reçut de sa part (de cette dame), en 1820, la confidence du secret déposé et l’offre de lui confier la cassette de minuit à minuit, moyennant la somme de 100 000 francs et déposée et réacquise en remettant la cassette. »

    « Cette personne (Brémond) en parla au Comte d’Artois qui accepta l’offre sous réserve de la soumettre à un magistrat qui avait sa confiance… le magistrat n’approuva pas… »

    « En 1824, la même personne (Brémond), voyant Louis XVIII près de mourir, fit une visite à M. Franchet (Préfet de Police), lui raconta l’histoire de la cassette de 1820, l’invita à vérifier lui-même si elle était toujours à sa place et à en rendre compte à Monsieur (le Comte d’Artois) et à en prendre des ordres ».

    Le Vicomte Sosthène de La Rochefoucault

    « Elle (la cassette) existait, fut gardée à vue et, au moment de la mort, elle fut remise à M. de Villèle et à deux autres ministres pour en faire l’examen…. Les trois ministres furent d’accord de proclamer le Duc de Normandie ; mais ils crurent devoir consulter le Cardinal de Latil qui, feignant de ne voir qu’une fable dans le récit de Louis XVIII, décida que Charles X devait être proclamé dans l’instant, en lui laissant le soin de juger cette affaire (en fait, il brûla devant tous le papier en jetant celui-ci dans le feu de la cheminée – témoignage du Comte de Villèle). Cet avis fut suivi et si je suis bien informé Charles X examina réellement l’affaire, se convainquit de la vérité et il eut la faiblesse de céder à de faux intérêts dynastiques ».

    Retour aux rubriques ⇑

    Next