LE PRÉTENDU PREMIER MARIAGE DE LOUIS XVII

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Les rumeurs concernant Louis XVII courent depuis plus de deux siècles ; sa survivance est généralement reconnue bien qu’officiellement les tenants du pouvoir politique, sous l’influence des « grandes familles », préfèrent conforter la thèse du décès au Temple le 8 juin 1795 et d’affirmer, sans preuve aucune, celle-ci dans les livres d’Histoire et aussi dans les émissions télévisées.

Parmi ces rumeurs – qui vont d’un mariage en Amérique donnant une descendance, à une vie conjugale en Asie … – celle qui persiste est si tenace qu’il convient d’en démontrer l’impossibilité. Il s’agit d’un mariage au Portugal pour lequel Louis XVII se serait fait appeler « Luis Capeto » (reprise hispanisante ou lusitante de « Louis Capet »).

Xavier de Roche, dans son remarquable ouvrage « Louis XVII », dit, dans un premier temps, que le jeune Roi se serait marié en 1803 (à l’âge de 18 ans) avec une Princesse portugaise (dont il aurait six enfants) pour remettre implicitement en question cet événement.

En effet, Xavier Roche dit que pour affirmer cela, il a d’abord considéré une plaquette qu’il a eu entre les mains, datée de 1836 et intitulée « La vie véritable de Louis XVII », éditée par Montmaur. Dans ce document le jeune Roi était sensé dire

« Quand j’eus 18 ans on me força à épouser une Princesse espagnole »

(sic.. le nom de l’épousée est pourtant portugais : Maria de Vasconcellos Souza Castro e Melo!).

Nous constatons, cependant, que Montmaur était, non pas l’éditeur – comme l’a cru Xavier de Roche - mais le nom d’un officier des gardes du corps de la Duchesse d’Angoulême… Nous sommes en 1836, date de cette publication, sous le règne de Louis Philippe 1er ; or le 13 juin de cette année Louis XVII fut arrêté par ordre de ce Roi usurpateur, suite au procès qu’il venait d’intenter à l’État français en reconnaissance de son identité royale légitime ; en cette occasion, ses papiers furent confisqués et lui–même fut expulsé en Angleterre… Ceci démontre clairement l’imposture habituelle à ce Roi à propager le mensonge en utilisant les entours de la sœur de Louis XVII (son garde du corps) sans que celle-ci, soumise de force, pût dire un mot de refus !...

Toutefois, Xavier Roche reconnaît avoir dépouillé tous les annuaires du Gotha de cette époque, les dernières années de celui de France celui d’Autriche, sans compter nombre d’ouvrages de généalogies dynastiques, et qu’il n’a rencontré

« aucune Princesse de ce nom ( parmi les Infantes du Portugal et d’Espagne, les Princesses de Parme et de Sicile, les Archiduchesse d’Autriche )   dont la destinée ait pu prêter à quelque équivoque et à quelque mystère, ce qui serait le cas si l’une d’elle avait épousé Louis XVII… »

« Louis XVII » – page 741

Cette épouse aurait inévitablement dû être inscrite dans les annuaires du Gotha car elle aurait été d’une haute noblesse (illustre famille, apparentée au Duc de Melo, d’une branche cadette de la Maison de Bragance, descendante ainsi des anciens Rois de Navarre, des Asturies et de Léon !... ). Xavier de Roche avoue s’être fié, d’abord, aux dires dont on ne lui a jamais donné le document fondant ceux-ci. (Michel Jaboulay).

Par ailleurs, aucun document ne permet de dire que le prétendu « Naundorff » (nom donné à Louis XVII par le gouvernement prussien en 1810) aurait pu être Luis Capeto. On ne retrouve aucune trace de ce prétendu mariage avec une demoiselle Dona Maria Vasconcelos, pas plus que des actes de naissance des enfants. (Recherches d’actes officiels faites par Otto Lueger, membre de l’Institut Louis XVII).

Voyons à présent comment il eut été impossible que ce mariage eût vraiment lieu et que tant d’enfants vinssent au monde entre 1803 et 1811 (date de décès de la prétendue épouse). En effet, ce récit fallacieux dit que :

  • Louis XVII se serait trouvé en 1798 aux Açores où il aurait appris le métier d’horloger ! Or, on sait qu’en cette année, le vrai Louis XVII se trouvait à Trieste, chez Madame Victoire (fille de Louis XV) ; lors de ce séjour en Italie, il alla à Rome où il fut sacré Roi (témoignages, entre autres de Marguerite de la Tour du Pin, recueillant l’affirmation de ce fait de la bouche du Pape Léon XIII). Il apprit ce métier en Suisse, à la Chaux de Fonds (témoignages des descendants de la famille Leschot qui hébergea le jeune Roi) ;

  • Louis XVII se serait marié en 1803 avec Maria Vasconcellos e Melo. Or, en 1802 il était à Paris et rendit visite à la veuve Simon aux Incurables (Archives Nationales F.7-6806) et en 1803, année où il se serait prétendument marié, il dut s’enfuir en Suisse (non accompagnée d’une femme), à la Neuville chez le Dr Himelay. En 1804 il rencontra son cousin, le Duc d’Enghien (avant que celui-ci ne fût enfermé à Vincennes. « Hier j’ai rencontré mon cousin Charles-Louis.. » - « Mémoires de famille ») puis il fut enlevé sur ordre de Bonaparte et fait prisonnier pendant près de 4 ans. On le retrouva, une fois libéré, à l'automne 1809, à Berlin et il remit ses papiers justifiant son identité réelle au Chef de la Police, Paul Ludwig Le Coq où il obtint droit de cité. En 1811 il était en Allemagne, donc, année où sa prétendue épouse portugaise mourut. Aucun rapport de police prussien ne mentionne la présence d’une épouse près du dénommé « Naundorff ».

  • Les Açores, Portugal

    Nous voyons clairement le but que visait la publication de cette plaquette intitulée « La vie du véritable Louis XVII », éditée en 1836 : entacher la descendance légitime de Louis XVII, marié depuis 18 octobre 1818 à Jeanne Einart et qui avait cette année-là (1836) trois fils bien vivants : Charles Edouard (né en 1821), Louis-Charles (né en 1831) et Charles-Edmond (né en 1833). Ces enfants, mâles, étaient très gênants pour une Monarchie qui, depuis le 21 janvier 1793, fut éclipsée et qui réapparut sous les auspices maudits de l’illégitimité le 8 juillet 1815 (en excluant l’usurpation napoléonienne).

    Louis XVII et son épouse, Jeanne Einart

    Pour conclure : ce mariage de 1801 est une pure affabulation qui engendra par la suite d’autres affabulations ; celles-ci servirent les prétentions au trône de France de nombreux mythomanes.

    L’origine de cette rumeur, propagée entre 1801 et 1811, s’est érigée sur les divagations, bien connues, d’un « faux Dauphin » célèbre : Jean Marie Hervagault. Ce dernier raconta avoir été au Portugal, aux Açores etc., se prétendant être Louis XVII (cf. (Archives Nationales F.7.6312-Dossier Hervagault) ; il dit s’être marié avec cette Demoiselle Maria de Vasconcellos Souza Castro e Melo en 1801, sous le nom de « Luis Capeto » et qu’il fut veuf en 1811.

    Comme par coïncidence, le prétendu veuvage de 1811 survint lorsqu’Hervagault fut enfermé dans la Maison de Force de Bicêtre où il mourut le 8 mai 1812.

    Ce furent donc ces affabulations d’un faux Dauphin qui firent le substrat de ce libelle/plaquette que Xavier de Roche eut en mains, plaquette rédigée en 1836, comme nous l’avons précisé, lorsque Louis XVII se trouvait à Paris et réclamait justice sous le règne d’un Monarque illégitime qui savait que ce Roi errant, marié en 1818, avait, en 1836, une descendance mâle, laquelle représentait un grand danger pour son trône.

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