LES FAUX DAUPHINS

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Alexis Morin de Guérivière

Dès mars 1794 paraît un « faux Dauphin » : Alexis Morin de Guérivière

Nous ne savons à quelle intention fut montée la comédie d’une évasion lorsque « la femme » Simon quitta le Temple en mars 1794, deux mois après le départ de son mari.

Simon était venu l’aider ainsi que le conducteur de la charrette de déménagement, un certain Genès Ojardias. Celui-ci monta bien ostensiblement au second étage de la Tour (où logeait encore Louis XVII) sous prétexte de donner à l’enfant un jouet en cadeau de la part de la femme Simon. Ce jouet était un cheval en carton de très grande taille. Ojadias monta en réalité jusqu’aux combles et prit un enfant endormi –pour le faire passer pour Louis XVII - par un opiacé ; il glissa le garçon dans le cheval puis redescendit avec ce jouet ainsi chargé. Simon faisant le guet, Ojadias sortit rapidement l’enfant et le mit dans la charrette en le recouvrant des hardes. Tous quittèrent ensuite le Temple.

La femme Simon croyait que son « petit Charles » dormait dans la charrette pour être emmené bien loin, enfin libéré… ainsi qu’elle le dira plus tard dans ses dépositions. (Archives Nationales. F.7-6806). Simon devait le penser aussi.

Cette mise en scène d’un enlèvement de Louis XVII ne visait-elle qu’à susciter le colportage par les époux Simon de la libération de l’enfant de manière à ce que l’ont crût que celui-ci était sorti du Temple ?

Un grand vide temporel existe entre ce mois de mars 1794 et le 10 juillet 1795 - un an et quatre mois - lorsque Genès Ojadias fut arrêté à Thiers (Puy-de-Dôme), accompagné d’un enfant qui ressemblait au jeune Louis XVII. Après une enquête rapide (Archives judiciaires du Puy-de-Dôme - Dépositions de police) on sut que cet enfant s’appelait Morin de Guérivière et qu’il était originaire de Versailles. Avant cette échappée dans le Puy de Dôme, Ojadias, en quittant Paris, avait laissé entendre - trop ostensiblement pour ne pas être sur ordre – qu’il emmenait avec lui « le petit Capet ». Le Représentant de la Convention, Chazal, relâcha Ojadias et son otage lequel ne s’avisa plus à se prêter au jeu de faux Dauphin.

À quels ordres obéissait Ojadias pour avoir simulé, en utilisant le déménagement de la femme Simon, un enlèvement en mars 1794 ? Quelle fut l’errance de cet homme et cet enfant pendant plus d’un an ?


Jean Marie Hergavault

Jean-Marie Hervagault s’est distingué dans ce bas monde comme un faux Dauphin. Doté d’un physique aussi agréable que celui du petit Roi, il sillonna la France et fit même des adeptes par ses mensonges.

On dit qu’il était le fils d’un tailleur de Saint-Lô et qu’il naquit dans cette bourgade le 20 septembre 1781. Or les Archives Nationales (Archives Nationales F.7.6312-Dossier Hervagault) nous apprennent qu’il était le fils naturel du Duc de Valentinois (1720-1795) et de Nicole Bigot laquelle, sur les instances du Duc, épousa le valet de ce dernier (qui devint un tailleur à Saint Lô) dénommé «Hervagault », qui endossa la paternité, comme il convenait.

L’idée de se faire passer pour Louis XVII lui vint après qu’il eut été pressenti pour remplacer le petit Roi au Temple où il séjourna un jour mais sa « candidature » ne fut pas retenue, peut-être parce que trop extraverti et bavard, il eût pu faire échouer le plan de l’évasion. Ceci explique comment il a pu faire une carrière de faux Dauphin à compter de 1795 à sa mort prématurée à Maison de Force de Bicêtre. Nous savons cela grâce aux Archives Nationales (A.N. F. 7-9679 dans cette liasse figure la lettre du chef vendéen Belin de Sincère qui mentionne aussi un autre faux Dauphin Mathurin Bruneau). En conséquence, la courte visite d’Hergavault au Temple céda la place à Gonnhaut, substitué à Louis XVII, d’avril au 8 juin 1795, jour de son décès.

Jean-Marie Hervagault (1781-1812)

Plusieurs fois emprisonné, vagabondant de ci de là, Hergavault fit de nombreux adeptes et son infatigable imagination lui faisait raconter des aventures au récit desquelles plusieurs aristocrates adhéraient. C’est ainsi qu’il raconta qu’il avait été marié à une Princesse portugaise. Ce prétendu mariage aurait eu lieu en 1803 et se serait terminé par le décès de l’épouse en 1811. Comme par hasard, en 1811 Hervagault s'était déjà retiré du théâtre de ses supercheries et était enfermé dans la Maison de Force de Bicêtre où il mourut le 8 mai 1812.

De confusion, en confusion, on prêta à Louis XVII ce mariage et la descendance qui en survint (6 enfants). Or où se trouvait le véritable Louis XVII entre 1803 et 1811 ? Bien loin du Portugal et des douceurs d’un foyer !

Une étude sérieuse montre que tout ceci n’a été que le fruit de l’imagination de Hervagault en s'affublant du nom de « Luis Capeto ».


Claude Perrin dit « Richemond »


Claude Perrin naquit à Lagnieu (Ain) le 7 septembre 1786. Il était bossu, ayant une épaule plus haute que l’autre. C’est d’ailleurs lui-même qui le précisa lorsqu’il dut se défendre devant la Justice de ses supercheries. Il fut cependant soldat et ceci lui donna le goût de la tenue militaire qu’il arborait fièrement.

Il parlait de lui à la troisième personne, ce qui démontrait un dédoublement de la personnalité ou une haute opinion de soi, les deux possibilités ne s’excluant l’une l’autre.

Cet étrange personnage avait l’art de l’affabulation, tout comme son homologue Hervagault. En effet, pour égarer les pistes de recherches sur sa personne, sans doute, il dit en voulant parler de lui ( ?) : « Perrin est mort en 1846 chez son fils, libraire à Turin. » Or le seul Claude Perrin mort à Turin mourut dans cette ville en 1869. Il avait 64 ans, était né à Tournon et son père s’appelait Antoine. (Renseignements communiqués par l’archevêque de Turin en 1883) alors que celui de notre Perrin s’appelait Jean.


Claude Perrin (1786-1853)

On ne sait d’où lui vint l’idée du nom qu’il adopta (« Richemond »), du titre qu’il s’accorda (« Baron ») ni, enfin, de jouer le rôle d’un faux Dauphin. Il est vrai que la rumeur de l’évasion de Louis XVII battait son plein dans les campagnes de France et Claude Perrin, presque du même âge que Louis XVII, à un an près, doté de cheveux châtain clair, entrevit peut-être un autre rôle à tenir sur la scène de la vie que celui auquel le destin le prédisposait.

En 1831 il écrivit et publia lui-même un livre : « Mémoires du Duc de Normandie, fils de Louis XVI », puis en 1846 il publia « Mémoires d’un contemporain », livre qui contredisait le premier.

Dans le premier récit (« Mémoires du Duc de Normandie, fils de Louis XVI »), le faux Dauphin Richemond ne connaissait pas grand-chose de la vie errante du vrai Louis XVII ; c’est pourquoi il n’osa indiquer ni date, ni nom, ni désignation précise d’aucun lieu susceptible de décrire les situations vécues par le vrai Roi ; il ne savait même pas quand, à quelle date et comment eut lieu l’évasion du Temple ; ses propos étaient contradictoires mais, apparemment, cela et ne le gênait pas pour persévérer dans ses mensonges. Ainsi désavoua-t-il son premier livre : par exemple, il supprima l’épisode dans lequel il vécut chez « les Sauvages ». ; il avait dit qu’il avait passé « plus de 6 ans, tout seul, nu comme eux, le corps peint, etc. Ces Sauvages s’appelaient les Mamelucks. ». Il prétendit, de plus, avoir eu la petite vérole dans la Tour du Temple ; or Louis XVII avait été inoculé et n’eut jamais cette maladie. 

Lorsque Louis XVII vint de Prusse à Paris, le 26 mai 1833, pour rencontrer ceux et celles qui l’ont connu enfant et se faire ainsi reconnaître, il reçut des témoignages favorables qui allaient croissant et que l’air du temps colporta vite… Ceci donna des idées à certains ; en tout cas, notre Perrin, quant à lui, s’appropria certains des témoignages, en les déformant, et ses partisans ne firent que soutenir sa prétendue qualité de « Dauphin ».

Ce fut ainsi qu’ils affirmèrent que « Richemond » fut reconnu par des personnes qualifiées : Mme Bequet, qui avait été au service de Marie-Antoinette jusqu’au 10 août 1792; Mme Fillette, qui avait été fille de garde-robe du Dauphin ; Mme de Rambaud, berceuse du Dauphin… Ce furent là, à l’évidence, les déclarations de Perrin qui, en réalité, ne reçut jamais, au grand jamais, un témoignage de reconnaissance réelle, écrit, daté et signé sous serment et déposé devant une Instance officielle quelconque (Tribunal, Police, Notaire..).

Il raconta dans « Mémoires d’un contemporain » que trois ans auparavant, en 1843, il rencontra Madame de Rambaud, que celle-ci le reconnut bien évidemment en tant que Louis XVII mais comme elle avait auparavant reconnu aussi en Naundorff le Roi, qu’elle aurait décidé de « s’en remettre au Ciel pour faire un choix » (ibidem - page 370). Il est patent que ces propos sortirent du cerveau déséquilibré de Perrin et non de la bouche de Madame de Rambaud. Il précisa qu’il « n’a pas revu cette dame depuis ce jour », ce qui est étrange car cette reconnaissance était très importante pour Madame de Rambaud ; aurait-elle évité de revoir celui qu’elle avait chéri ?

Madame de Rambaud vécut encore dix années après la rencontre avec « Richemond » ; elle mourut le 18 octobre 1843 en n’ayant jamais renié la reconnaissance en Naundorff le Roi qu’elle avait élevé pendant sept années. La petite-fille de Madame de Rambaud, Ernestine de Rambaud, dans une lettre qu’elle écrivit en juin 1849 affirma la fidélité de sa grand-mère à cette reconnaissance capitale : « Encore aujourd’hui elle (Madame de Rambaud) ne doute pas de son identité (Louis XVII=Naundorff)».

Comme Hergavault, Richemond savait séduire  et puisque de très nombreuses personnes espéraient retrouver Louis XVII, elles acceptèrent de le rencontrer mais jamais elles ne le reconnurent vraiment ; une seule rencontre et aucune reconnaissance. Lors du procès de Perrin, la Cour ne retint que les dépositions écrites de Mesdames Bequet et Fillette (respectivement le 20 décembre 1842 et le 15 juillet 1844) dans lesquelles elles déclaraient seulement avoir rencontré « Richemond » une seule fois, sans préciser une reconnaissance quelconque.

Rappelons qu’à la différence de Perrin, qui bénéficia d’une seule conversation avec peu de personnes ayant connu Louis XVII, « Naundorff » non seulement reçut de multiples reconnaissances signées et légalement déposées mais eut des heures et des heures de conversation liée aux souvenirs si chers qui l’unissaient aux serviteurs de la Cour de Louis XVI et aux grands personnages de l’époque.

Autres faits concernant Claude Perrin :

  • Perrin/Richemond, Hergavault, Bruneau, Williams, Mévès… tous ces « faux Dauphins » avaient des yeux marrons et seul, un prétendu « faux Dauphin » - qui n’en était pas – avait les yeux bleus : « Naundorff ». Louis XVII avait les yeux bleus…

  • Perrin eut une liaison avec une certaine Céline Orloff dont il eut 4 enfants connus.

  • Il vit une fois le Pape, Pie IX, qui connaissait la survivance de Louis XVII. Le Pape ne le reconnut pas en tant que ce Roi mais se contenta de le bénir, comme il le faisait avec tous les visiteurs venus à lui. Le Pape dit plus tard à M. l’Abbé Blanchet : « Eh ! Oui, je savais que c’était un imposteur, et je l’ai béni tout de même. »

Pour finir ce récit succinct de la vie de Claude Perrin, précisons qu’il mourut le 10 août 1853 tout comme Louis XVII qui s’éteignit le 10 août 1845, huit ans plus tôt.

Dans la revue l’Univers de 1850 parurent les enquêtes que firent sur « Richemond » à Lagnieu Jules de Catteville, Marquis de Mirville (1802-1873), écrivain, et le Maire de cette commune.

Nous devons produire la déclaration formelle de l’Abbé Delaigue, curé-archiprêtre de Lagnieu (village natal de Perrin), publiée dans la revue Légitimité du 18 mai 1884, et qui précisa que le prétendant, affublé du nom de Richemont, « a été reconnu pour le sieur Claude Perrin, de Lagnieu, né en 1786, de Jean Perrin, boucher, et de Louise Morel ». Abbé Delaigue donna le témoignage de plusieurs personnes de sa paroisse et en particulier celui d’une nièce de Perrin.

Nous savons que tous les faux Dauphins se sont dédits. Perrin ne fit pas exception et avoua aussi son imposture à un certain Monsieur Pictet. Celui-ci eut un fils qui devint prêtre. Abbé Pictet déclara dans une lettre publiée dans la revue la Légitimité du 1er juin 1884 :

« C’est bien mon père qui a reçu de Richemont en personne les susdits aveux. »

Documentation : Otto Lueger de l’Institut Louis XVII



Mathurin Bruneau

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autres

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